Loro Piana : des fermiers péruviens exploités pour produire la laine la plus chère au monde.

Une rémunération de 280 dollars pour un pull vendu à 9 000 dollars, voici ce que toucheraient les travailleurs de la communauté indigène de Lucanas de la part de la griffe italienne détenue par le groupe LVMH.

Tenue Loro Piana, crédit photo : Songyi Yoon pour VOGUE Korea

Un rapport de forces déséquilibré

C’est au cœur des Andes péruviennes, dans un plateau isolé à plus de 4 000 mètres d’altitude, que Loro Piana source la fameuse laine qui compose l’essentiel de son dressing. Cousine de l’alpaga, la vigogne (ou vicuña) est prisée pour son pelage extrêmement doux et fin. Pour s’en procurer, l’enseigne italienne fait appel à la population indigène de Lucanas (village situé dans les Andes).

Si l’enquête révélée par le média Bloomberg fait une aussi mauvais pub à Loro Piana, c’est parce que la marque est le premier client de ces communautés précaires, dont l’économie repose essentiellement sur la vente de laine de vigogne. En effet, les rémunérations touchées ne permettent pas à cette population de vivre décemment. Bloomberg informe : « Le commerce n'a guère profité aux 2 700 résidents de la communauté. Beaucoup de maisons sont en terre battue […] et manquent d'égouts. Les anciens membres de la communauté restent des agriculteurs de subsistance tandis que les nouvelles générations déménagent en ville ou travaillent dans les dangereuses mines d'or de la région. ». Le média explique également que, malgré l’augmentation de la demande de laine de Vigogne, la rémunération que perçoit la population de Lucanas a baissé de 36% au cours de la dernière décennie, tandis que la griffe italienne continue d’augmenter les prix de ses pièces.

Crédit photo : Angela Ponce pour Bloomberg Businessweek

Une économie fragile

Alors que le chercheur péruvien Omar Siguas et l’institution SERFOR s’accordent sur le fait que la vigogne n’a pas aidé les communautés à sortir de la pauvreté, Loro Piana se défend fragilement. Dans un communiqué de presse, la marque évoque son engagement à défendre des normes éthiques élevées ainsi que le soutien économique qu’elle représente concernant la demande de fibre de vigogne. Des arguments auxquels répond SERFOR en précisant que pour certaines communautés les activités touristiques liées à la tonte de l’animal sont plus lucratives que la vente de sa laine si précieuse.

Pour contrer cette situation, la solution la plus évidente serait que la population andine s’affranchisse du géant italien et commercialise par elle-même des produits issus des vigognes. Une possibilité que SERFOR avait déjà envisagée, mais qui reste difficile à appliquer pour plusieurs raisons. Premièrement, la grande majorité des travailleurs de la région n’ont jamais eu l’occasion de tricoter un vêtement en vigogne. Autrefois réservé à l’empereur Inca, la laine de vigogne reste perçue comme inaccessible aux yeux des habitants de Lucanas. L’un des travailleurs confie ainsi à Bloomberg : « En tant que Lucanien, en tant que Péruvien, j'adorerais porter un vêtement en laine de vigogne. Mais c'est totalement interdit. ». Un sentiment que le média identifie comme étant le résultat du manque de place accordée à ce peuple dans la chaîne de production des pièces en laine de vigogne. A cela s’ajoute le fait que les communautés de la région ne disposent pas du matériel suffisant pour exploiter « la fibre des Dieux », ni des ressources nécessaire pour en acquérir. Les Andes sont la région la plus pauvre du Pérou et une étude menée par le gouvernement péruvien en 2018 révélait que 41% de la population de Lucanas vit avec moins de $91 par mois.

Tenue Loro Piana, crédit photo : Songyi Yoon pour VOGUE Korea / Crédit photo : Angela Ponce pour Bloomberg Businessweek

De telles constatations amènent à se questionner sur la possibilité pour cette communauté indigène de s’affranchir du poids de la marque présidée par le fils du milliardaire Bernard Arnault (président-directeur de LVMH). Enfin, il est désormais difficile de croire le groupe LVMH lorsqu’il affirme que Loro Piana souhaite apporter « une attention constante pour l’environnement, la biodiversité et les communautés locales. ».

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